dimanche 15 janvier 2017

Voeux - et bout de nouvelle!


Je vous souhaite une bonne année  Ce blog, en sommeil depuis les d/ernières Imaginales, revient à la vie pendant quelques mois. Jusqu'aux prochaines Imaginales, en fait ( 18/21 mai 2017). Pourquoi ? Parce qu'il est dédié au roman de fantasy que j''écris en partenariat avec le festival (dont j'étais auteur associé en 2016) et que je remettrai le fichier du récit à mon éditeur à ce moment-là. 
Je commence l'année avec... un brouillon... celui d'une nouvelle que je dois terminer très vite, mais qui pour plusieurs raisons ne me convient pas en l'état. Ledit brouillon a cependant le mérite de poser quelques éléments - et surtout quelques personnages de l'univers... 





L’araignée s’arrête à l’entrée de son tunnel de soie. Ses longues pattes brunes et velues esquissent un mouvement, vite interrompu. Devant elle, une forme gigantesque, dont le souffle bruyant répand sur la toile tubulaire un vent brûlant. Sous la violence de la bourrasque, plusieurs fils se détachent. Prudente, elle rebrousse chemin, disparaît en quelques secondes au plus profond de son terrier.
Perplexe, le fennec penche la tête de côté, esquisse un jappement puis retourne en trottinant près de ses compagnons, blottis dans l’ombre du grand rocher noir où gît l’homme auquel ils sont liés.
De sa truffe, il effleure la peau du moribond. S’en écarte aussitôt. Elle est brûlante, chargée d’effluves âpres, fétides, qui l’écœurent et le font pourtant saliver.
Cette odeur. Celle de la mort. Celle du ventre rempli.
L’homme gémit.
Un jappement, derrière lui.
Il redresse la tête, ses oreilles pointées vers le lointain, la truffe frémissante. Et soudain, son cœur affolé bat à tout rompre dans son poitrail.

*

— Là-bas !
— Là-bas… Jeyan, je ne vois rien !
— Là-bas, sous le roc de basalte !
Sans attendre sa garde du corps, Jeyan dirige son dromadaire vers le monolithe, l’arrête à quelques mètres de l’ombre étirée et plisse les yeux, intrigué. Là où il a cru apercevoir une forme, il n’y a rien. Pourtant, sur le sable,  il reconnaît le creux formé par le corps d’un homme. Et, tout autour, des traces de pattes, qui forment un étrange entrelacs, semblable à la toile d’une araignée. 
Sourcils froncés, le kenzi ordonne à sa monture de s’agenouiller et glisse le long de l’épais tapis de monte.
— Alors ? s’enquiert Aya Sîn, sautant avec souplesse de son énorme femelle brune.
— Alors, je ne comprends pas. Il était ici, j’en suis certain. Et il n’était pas seul. Regarde toutes ces marques ! Ces taches brunes !
— Quelqu’un a perdu du sang. Beaucoup de sang…
Aya Sîn s’accroupit, examine attentivement le tracé des empreintes légères, esquisse un bref sourire puis, d’un mouvement vif, efface le dessin d’une boucle.
Avec un crissement presque imperceptible, le sortilège se dissipe, révélant trois renards aux oreilles immenses.  
— Comment as-tu….
Efflanqués, vacillant d’épuisement,  ils s’efforcent malgré tout de protéger celui dont ils ont la garde, un homme à l’agonie, couvert de croutes purulentes.
— Par Lassa, bredouille Jeyan.
Tirant de sa besace une gourde d’eau fraîche, il se précipite vers le blessé. L’un des fennecs tente de s’interposer, s’effondre, haletant. Aya Sîn ouvre son sac, en tire une gourde pleine, un gobelet de métal et de la viande séchée. Verse le liquide dans la petite tasse. L’approche de la gueule de l’animal. Il lape, et ses frères assoiffés s’approchent également. Elle leur abandonne plusieurs lamelles jaunes et brunes avant de rejoindre Jeyan auprès du Nyambe.    
— A-t-il une chance ou faut-il lui épargner une longue agonie ?  
— S’il est hydraté et nourri, si ses plaies sont désinfectées, si sa fièvre tombe, il survivra. Mais nous ne pouvons prendre le risque de le transporter.  
— Et l’eau ? Et la caravane ?
— Guide les nôtres vers la source.
— Je ne peux t’abandonner, Jeyan. Que ferons-nous sans ton talent pour parler à l’eau qui coule sous cet enfer, s’il t’arrive malheur ?
— Je ne risque rien. Ils veilleront sur nous, ajoute-t-il, avec un geste bref en direction des petits gardiens.
Aya Sîn hésite un instant avant d’obtempérer et se hisse sans effort en selle.
— J’enverrai quelqu’un à ta rencontre, lance-t-elle par-dessus son épaule. Allez, Ramla ! En avant !
Obéissante, la chamelle s’éloigne d’un trot souple et cadencé. Sa congénère blatère, frustrée de ne pouvoir la suivre. Mais elle apprécie l’humain qui la soigne. Aussi ne tente-t-elle pas de s’enfuir.
Un instant plus tard, le couple a disparu derrière une rocaille semée de sable roux.
Jeyan place ses paumes au-dessus du malheureux, se concentre sur les fluides souillés de son corps, écoute leur chant étouffé par le mal et commence à psalmodier.

*

Le renard pâle, épuisé mais repu, se blottit avec un soupir contre ses frères. Le sommeil l’emporte sur le sentier des rêves.
Un sentier semé d’éclats scintillants, lucioles malicieuses et vibrantes que tous trois tentent d’attraper.
Un sentier qui s’efface à mesure qu’ils avancent, se charge d’ombres glaciales et de brume.
Il voudrait rebrousser chemin. Tente d’entraîner les autres loin des ténèbres qui se répandent devant eux. En vain. Alors, il hésite. Gémit. S’aplatit sur la terre cendreuse, déchiré entre sa loyauté et la peur qui ronge ses flancs. Ferme les yeux, quand la vague obscure déferle au-dessus de lui.