CB : Comment êtes-vous passé
de l'écriture à la composition musicale ?
FB : Lorsque en 2011 j’ai terminé Abîme du rêve, neuvième et dernier tome
de mon cycle Le Rêve du démiurge, sa
conclusion m’a amené à un constat : avec les mots, j’avais dit tout ce que
je devais dire. Il ne me restait rien à ajouter. Pourtant, j’avais deux ou
trois sujets dans la tête : mais les coucher sur le papier sous forme de
roman n’aurait eu aucun sens. Mon œuvre romanesque était bel et bien terminée.
Cela m’a surpris, mais pas alarmé outre mesure. Je suis revenu à mes premières
amours : l’écriture de chansons, paroles et musique. À cette différence
près qu’au lieu de m’accompagner à la guitare, j’ai découvert le logiciel de
composition GarageBand qui, en me fournissant un orchestre de synthèse, m’a
permis de donner à ces accompagnements une autre dimension.
J’ai
donc repris des cours de chant. Mais, peu à peu, grâce en particulier à
Françoise Hardy avec qui j’ai correspondu par e-mail pendant quelques années,
j’ai compris que chanter n’était pas ce qui me plaisait le plus dans cette
entreprise ; d’autant que les mélodies qui me venaient étaient beaucoup
trop compliquées pour ma voix. La véritable révélation, en fait, a été cette
possiblité toute neuve de composer pour un orchestre en ayant le résultat au
fur et à mesure. Sur le conseil de Gaë Bolg, avec qui j’ai collaboré un moment,
j’ai acheté une banque de sons. Et j’ai adopté ce nouveau mode de
création : dire avec des notes ce que je disais auparavant avec des mots
CB : L’Inaccessible est une œuvre fantastique, à la fois voyage dans le
temps et quête d'absolu, mais également une réflexion sur les frontières, les
passages. Est-ce pour cela que vous avez choisi de créer un ballet, qui réunit
plusieurs formes artistiques ?
FB : Le livret de L’Inaccesible vient d’une nouvelle, La Symphonie Inaccessible, écrite pour l’anthologie de Max Lachaud
et Lise N., Aux Limites du son, (La
Volte, 2006), qui réunissait les membres du groupe Limite des années 80. Cette
anthologie comportait un CD, où chaque nouvelle était illustrée par un musicien.
Thierry Weyd s’était chargé de la mienne. Ensemble, nous avons donné aux
Utopiales de Nantes un spectacle où je lisais le texte pendant qu’il
l’illustrait par des sons, des projections lumineuses et des animations
d’objets. À la fin apparaissait un thème lyrique assez long, qui m’était venu
en discutant avec lui, et représentait cette symphonie
« Inaccessible » que le héros poursuit à travers les siècles. Ce
thème, fragmenté, énoncé sous différentes formes pour ne se révéler dans son
intégralité qu’à la fin, est devenu le fil conducteur du ballet L’Inaccessible – où il est incarné par
un danseur masqué.
Pourquoi un ballet ? C’est très
simple. Depuis mon plus jeune âge, la musique de ballet, par son contenu
narratif, descriptif, émotionnel, ainsi que son lien avec cet art merveilleux
qu’est la danse, a été ma forme de musique préférée. Pour moi, la période la
plus riche de l’histoire artistique mondiale a été celle des Ballets Russes de
Diaghilev. Les plus grands compositeurs, poètes, chorégraphes, danseurs,
peintres, etc. de cette époque ont collaboré pour nous laisser une collection
de chefs d’œuvre sans égale.
À douze ans, je rêvais déjà de composer
des ballets. Mais, en guise d’études musicales, je n’ai fait que dix années de
piano où je ne travaillais guère, même si elles m’ont donné quelques bases
théoriques. Par la suite, à force d’écouter et de réécouter les grands ballets
du XIXe et du XXe siècle, en particulier ceux de Prokofiev dont le Roméo et Juliette reste mon modèle
absolu, je me suis imprégné de règles mélodiques, harmoniques, contrapuntiques,
orchestrales, ainsi que de l’usage des leitmotivs. J’ai rédigé le livret de L’Inaccessible, puis j’ai composé la
musique comme si j’écrivais un roman.
CB : Quels seront les thèmes de votre prochain ballet ? Quand
sera-t-il disponible à l'écoute ?
FB : Mon prochain ballet s’intitule Kaël et Orian. C’est un conte
merveilleux ou le roi d’Or et la reine de Diamant décident d’unir leurs
royaumes en mariant leurs enfants. Malheureusement, le prince Orian préfère ses
amis à la princesse Diaphane, pourtant charmante. La reine fait donc appel à un
démon des eaux, Kaël, qu’elle retient prisonnier, en lui promettant la liberté
s’il parvient à convaincre Orian d’épouser Diaphane. Mais, bien sûr, les choses
ne vont pas du tout se dérouler comme prévu !
Ce ballet comporte trois actes, dont le
dernier se déroule au fond des mers. Chaque personnage est caractérisé par un
ou deux thèmes musicaux, soumis à diverses variations. Je suis en train de
faire diverses corrections sur la prise de son et le mixage. J’en publierai
peut-être quelques extraits comme je l’avais fait pour L’Inaccessible. Mais je ne sais pas quand il sortira en CD :
je dois voir cela avec les deux labels qui me soutiennent, GDW et Musea
Records.
Le ballet suivant, déjà terminé, est
une histoire de vampires intitulée Le
Sang du hautbois. Quant au quatrième, Le
Chevalier Obscur, écrit aux deux tiers, il se situe dans un univers
gothique et tourne autour de la magie noire.
Cela dit, j’ai à présent un autre
problème à résoudre : trouver un chorégraphe, une compagnie, qui puisse monter L’Inaccessible sur scène. Car un ballet
est d’abord fait pour être vu… Et là, je ne suis pas encore au bout de mes
peines !
Francis Berthelot a longtemps été chercheur au CNRS en biochimie, puis en littérature, et plus
particulièrement les « transfictions ». Après quatre
romans de science-fiction, il a
rejoint le groupe de la Nouvelle Fiction le
« merveilleux noir » relevant des transfictions : on en trouve
l’illustration aussi bien dans ses recueils de nouvelles (La Boîte à chimères, Fayard, 2000 ; Forêts secrètes, le Bélial’, 2004) que dans son cycle romanesque Le Rêve du démiurge.
Entre autres récompenses, Francis Berthelot a reçu le Grand Prix de
l’Imaginaire dans les quatre catégories nouvelle, roman, essai et
jeunesse.
Son ballet est disponible sur ce lien.
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